A l’occasion du conseil communal du 12 juin 2025, Maxime de Cordes, conseiller communal, interpelle l’Échevine de l’Urbanisme, Julie de Groote, sur la place de la publicité et la réduction du nombre de panneaux publicitaires dans l’espace public à Ixelles.

 

Voici son interpellation :

Madame l’Échevine de l’Urbanisme,

La bâche publicitaire pour une publicité AB InBev sur un bâtiment de la SLRB avenue Général de Gaulle a beaucoup fait parler d’elle cette semaine. J’ai compris que vous n’aviez pas autorisé cette publicité et qu’au contraire cela s’inscrivait en porte à faux par rapport aux lignes directrices que vous avez adoptées. Pouvez-vous nous rappeler quelles sont ces lignes directrices et la procédure qui doit être suivie pour l’autorisation d’une publicité sur une bâche ? Comment s’assurer que ces règles soient connues en amont et appliquées dès le départ ?

Vous savez combien le sujet de la réduction du nombre de panneaux publicitaires dans l’espace public est une priorité pour moi et je saisis cette occasion pour élargir le débat.

En Belgique, la commune ne peut pas interdire la promotion de certains produits, il faut une loi fédérale pour cela comme pour l’interdiction des publicités pour le tabac. Mais elle est compétente pour régir l’aménagement du territoire et les demandes spécifiques d’intégration dans le paysage urbain.

Je prends l’exemple de ma voisine Martine. Aujourd’hui, Martine subit des injonctions contraires au quotidien : d’un côté elle est invitée à consommer plus raisonnablement, à trier ses déchets dans des sacs bleus jaunes oranges, à isoler son logement, à baisser le chauffage à 19 °C, à manger sainement, local et de saison.

Mais d’un autre côté, Martine est accablée de publicités sur des panneaux lumineux consommateurs d’énergie, pour l’inciter à acheter toujours plus de choses « parce qu’elle le vaut bien », à rouler en 4×4 au milieu de la jungle, à boire de l’alcool avec modération et à manger gras et sucré. Chaque jour, nos yeux voient en moyenne 1200 messages publicitaires ! Comment voulez-vous que Martine adopte les comportements respectueux de sa santé et de notre environnement dans un contexte pareil ? Je ne dis pas qu’il faut interdire ces comportements. Chacun reste évidemment libre de faire ce qu’il veut. Mais au moins qu’on ne l’incite pas à consommer de cette manière tous les jours quand elle attend à l’arrêt de bus. D’autant plus dans un espace public où elle n’a pas demandé à recevoir ces publicités. Vous l’avez compris, la publicité pose de nombreux problèmes sur différents aspects. Je n’en citerai que deux.

 

1/ Le premier porte sur l’environnement et le climat : C’est prouvé par plusieurs études, la publicité stimule artificiellement les besoins des consommateurs, ce qui augmente la demande pour des biens et services, souvent à forte empreinte carbone. La cause première du dérèglement climatique c’est la surproduction et la surconsommation de produits. Moins de publicité, c’est moins d’excès de consommation et donc moins d’extraction de matières premières et d’émissions liées à la production, le transport et l’élimination des biens consommés.

Certains vont peut-être penser : « Oui, mais la consommation fait tourner l’économie et fait vivre nos commerçants ». Non, on n’a rarement vu sur les panneaux publicitaires dans la rue une pub pour Hermine Pâtisserie ou Simone ses Fleurs chaussée de Boondael. Pour donner un ordre de grandeur, en France, moins de 1 % des entreprises ont accès au marché publicitaire, et quelques centaines d’entreprises seulement contrôlent 80 % des messages publicitaires. Donc, ce sont toujours les H&M, Coca-Cola, Qatar Airways et Burger King qu’on voit. Les commerçants ixellois ne profitent pratiquement jamais de ces panneaux publicitaires.

 

2/ Le deuxième problème que je voulais mentionner porte sur la santé mentale des individus : En favorisant le culte de l’apparence, les clichés sexistes, en sollicitant en permanence les désirs et aussi par la pollution lumineuse, la publicité peut accroitre le stress, l’anxiété et les frustrations. La publicité a un impact négatif avéré sur la santé mentale de la population. Limiter la publicité permettrait de transformer Ixelles en un espace plus accueillant, apaisant et favoriserait un meilleur sentiment de tranquillité au quotidien.

Un argument qui revient souvent pour justifier la publicité, c’est le fait qu’elle rapporte de l’argent dans les caisses de la commune qui prélève des taxes auprès des annonceurs JC Decaux et ClearChannel. Et qu’il serait difficile de s’en passer. Deux commentaires :

Premièrement, l’objectif d’une commune n’est pas de faire de l’argent mais de remplir sa mission de service public. La question que je pose est alors : faut-il continuer à percevoir des taxes sur la publicité, en connaissant ses effets négatifs sur l’environnement, la santé et la qualité de vie des ixellois, pour ensuite financer des mesures censées corriger ces mêmes effets ? Ou ne vaudrait-il pas mieux, tout simplement, éviter de contribuer au problème, plutôt que d’avoir à le compenser ?

Deuxièmement, j’ai récemment demandé les chiffres précis des recettes liées à la publicité par une question écrite à l’Échevine des Finances. Dans la réponse, il est indiqué que le montant repris au budget initial 2024 au titre de la taxe sur les panneaux publicitaires est de 504 535 €. Ce qui représente à peine 0,2 % du budget annuel communal qui s’élève lui à 287 millions d’euros.

Réduire la publicité n’est pas un simple acte de gestion quotidienne de la commune. C’est un changement culturel majeur. C’est une action locale pour un effet global. C’est faire partie d’un mouvement enclenché à Grenoble, Nantes, Amsterdam, La Haye, Édimbourg, vers une société plus respectueuse de l’humain et de l’environnement.

J’ai envie de dire : Osons ! Osons poser des actes forts, cohérents, assumés. C’est ce que les citoyens attendent de nous. Faisons un vrai choix politique, clair et crédible, en faveur de notre avenir commun. Ce ne sont pas des détails techniques qui doivent nous freiner. Les contrats avec les annonceurs ont des échéances. Les marges se renégocient. Les dépenses budgétaires s’optimisent. Les arbitrages se font.

J’appelle donc de mes vœux à ce que la Déclaration de Politique Communale intègre une mesure claire de réduction progressive du nombre de panneaux publicitaires dans l’espace public à Ixelles. Et pour que cette volonté se traduise en action réelle, il faut un objectif chiffré, ambitieux et utile. A nous d’être à la hauteur de cette dynamique.

Je vous remercie, Madame l’Échevine de l’Urbanisme, pour votre écoute et votre compréhension.

 

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