A l’occasion du conseil communal du 8 septembre 2022, la motion visant à mettre en place un rempart constitutionnel pour le droit à recourir à l’IVG et protéger la liberté fondamentale des femmes de disposer de leur corps a été adoptée à l’unanimité des conseillers et des conseillères (PS-Vooruit, ECOLO-GROEN, MR, DEFI, PTB et Objectif XL).
– Vu la Déclaration universelle des droits de l’Homme ;
– Vu les droits à la vie, à la santé, à ne pas subir de violence, de discrimination, de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants reconnus par le droit international ;
– Vu le droit à la planification familiale consacré par divers textes internationaux, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Programme d’action de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement, la Conférence d’ONU Femmes au programme d’action de Pékin ou encore la Stratégie mondiale pour la santé de la femme, de l’enfant et de l’adolescent ;
– Vu la reconnaissance, sur le plan international, des droits sexuels et reproductifs des femmes, qui inclut le droit de disposer de son corps et le droit à l’avortement et qui est une condition préalable indispensable à la réalisation d’autres droits humains, y compris en matière d’éducation et d’emploi ;
– Vu la jurisprudence et les observations du Comité pour l’élimination de la discrimination et du Comité des droits de l’homme en faveur du droit à l’avortement ;
– Vu les nouvelles lignes directrices de l’Organisation Mondiale de la Santé de mars 2022 sur les soins liés à l’avortement, dans le but de protéger la santé des femmes et des filles et de contribuer à prévenir plus de 25 millions d’avortements non sécurisés qui se produisent actuellement chaque année ;
– Vu les recommandations du Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels d’assurer l’accès à l’avortement légal, de bonne qualité et sans danger ;
– Vu que l’avortement est un droit pour la femme: une liberté individuelle, celle de disposer de son corps, mais c’est aussi un droit à la santé ;
– Vu la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ratifiée par la Belgique dès le 10 juillet 1985 ;
– Vu qu’elle oblige les États à assurer aux hommes et aux femmes « les mêmes droits de décider librement, et en toute connaissance de cause, du nombre et de l’espacement des naissances, et d’avoir accès aux informations, à l’éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d’exercer ces droits » ;
– Vu la résolution 1607 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 2008 sur l’accès sûr et légal à l’avortement en Europe ;
– Vu que selon la Cour Européenne des Droits de l’Homme, « dans les législations régissant l’IVG, l’enfant à naître n’est pas considéré comme une personne directement bénéficiaire de l’article 2 de la Convention» et «son droit à la vie, s’il existe, se trouve implicitement limité par les droits et intérêts de sa mère » ;
– Vu la loi du 15 octobre 2018 qui encadre l’interruption volontaire de grossesse ;
Considérant que contre l’avis d’une majorité de la population américaine, la Cour suprême des États-Unis a décidé, ce 24 juin 2022, d’annuler le jugement Roe v. Wade de 1973, qui garantissait le droit constitutionnel à l’avortement/IVG dans l’ensemble du pays laissant le choix à chaque État d’autoriser, de limiter ou même d’interdire l’interruption volontaire de grossesse;
Considérant qu’à ce jour, 13 États américains ont signé les “trigger law”, soit des lois “automatiques”, visant à rendre illégal l’avortement dès le vote de la Cour suprême : Arkansas, Idaho, Kentucky, Louisiane, Mississippi, Missouri, Dakota du Nord et du Sud, Oklahoma, Tennessee, Texas, Utah et Wyoming ;
Considérant que dans les minutes suivant la décision, sept États dont le Missouri ont révoqué le droit à l’IVG et que d’autres États risquent de suivre le mouvement ;
Considérant que cette décision que craignaient toutes les associations de défense des droits des femmes depuis des mois est l’héritage direct de l’ère Trump et fait suite à l’élection à la Cour suprême de juges conservateurs proches des mouvances “pro-vie”;
Considérant que cette décision aura un impact sur la vie des femmes américaines en général ;
Considérant que les classes populaires vivant dans les états conservateurs seront les premières à pâtir des nouvelles législations anti-IVG en ce qu’elles ne pourraient s’offrir le luxe de parcourir plusieurs milliers de kilomètres pour rejoindre un état l’autorisant ;
Considérant que dans un communiqué, le Procureur général, Merrick Garland, a noté que la décision de la Cour représentait « un coup dévastateur porté à la liberté de reproduction », qui touchera en priorité « les personnes de couleur et celles et ceux aux moyens financiers limités » ;
Considérant que les conséquences de la fin du droit à l’avortement sont que les femmes avorteront dans des conditions qui seront extrêmement dangereuses et précaires avec un risque d’atteinte à leur vie ou qu’elles seront contraintes de mener à terme des grossesses non désirées ;
Considérant que les USA sont le pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), où la mortalité en couche est la plus haute et que la révocation du droit constitutionnel à avorter aggrave le risque pour la vie et la santé des femmes et leur droit de disposer de leur corps ;
Considérant que selon l’Institut Guttmacher, les besoins médicaux en matière d’avortement n’ont jamais été aussi importants, qu’il a été recensé, pour la première fois en 2020, une hausse des interruptions volontaires de grossesses par rapport à 2017 : + 8 %, soit 930 160 interventions estimées dans le pays ;
Considérant que les conséquences de la décision de la Cour pourraient s’étendre bien au-delà de l’avortement, notamment le droit à la contraception ;
Considérant que cette décision a suscité l’indignation et la crainte dans le monde entier, en termes de régression des droits fondamentaux également dans d’autres pays ;
Considérant que ce renversement d’une jurisprudence datant d’il y a 50 ans démontre que la moindre crise peut compromettre les droits des femmes ;
Considérant que dans le monde, 60% des pays interdisent l’avortement. Qu’on considère que 40.000 femmes meurent chaque année des suites d’un avortement non médicalisé et des millions d’autres en sortent mutilées ;
Considérant qu’en Europe, le droit à l’IVG reste très inégal d’un pays à l’autre : Malte interdit toujours totalement l’IVG ; la Pologne, après avoir tenté de l’interdire en 2016, a depuis a limité drastiquement les règles d’accès à l’IVG aux seuls cas de viol et d’inceste ou si la vie ou la santé de la mère sont en danger réduisant dès lors la portée du droit ; au Pays-Bas il est permis jusqu’à 24 semaines d’aménorrhée ;
Considérant qu’au niveau européen, une initiative citoyenne antiavortement « One of Us » a obtenu une audition au Parlement européen, en vue d’empêcher les ONG bénéficiant de subventions européennes de proposer, dans les pays en développement, l’avortement dans des conditions sûres dans le cadre de leurs projets de planning familial ;
Considérant qu’en Europe et dans notre pays, la vigilance reste dès lors indispensable ;
Considérant que la contraception est devenue licite en Belgique en 1973 ;
Considérant que l’avortement proprement dit, lui, ne sera dépénalisé sous conditions qu’en 1990 (loi Lallemand-Herman-Michielsen) ;
Considérant que pendant plus d’un quart de siècle après le vote de la loi de 1990, l’avortement est encore resté inscrit dans le Code pénal comme un crime contre l’ordre des familles et la moralité publique ;
Considérant qu’en octobre 2018, une nouvelle loi hors code pénal cette fois a supprimé la notion de détresse et obligé le médecin qui ne souhaite pas réaliser une IVG à référer la patiente à un autre médecin ;
Considérant que cette loi avait été attaquée devant la Cour constitutionnelle par l’association de fait « Citoyens pour la vie / Burgers voor het leven » qui remettait en question l’autorisation-même de l’avortement ;
Considérant que dans un arrêt du 24 septembre 2020, la Cour constitutionnelle a jugé que la loi actuelle relative à l’interruption volontaire de grossesse, telle que révisée en octobre 2018, est conforme à la Constitution et aux droits fondamentaux ;
Considérant cette loi n’a fait que transférer les dispositions pénales spécifiques prévues à l’encontre des femmes et de leur médecin en cas de non-respect d’une des très strictes conditions légales du Code pénal vers une autre loi pénale ;
Considérant que nos acquis restent malheureusement extrêmement fragiles, même au sein de notre pays et que, sans des réformes constitutionnelles, toute nouvelle majorité politique pourrait adopter des lois qui limitent où suppriment les droits acquis ;
Considérant que l’égalité des hommes et des femmes ne peut se concevoir que dans une égale liberté de chacun à disposer de soi et à poser ses choix de vie sans contrainte ;
Considérant que le tribunal constitutionnel de Pologne ayant réduit en octobre 2020 les droits des femmes à recourir à l’IVG aux seuls critères de risque pour la mère, du viol et de l’inceste (refusant ainsi l’accès effectif à l’IVG à la quasi totalité des femmes) nous rappelle le devoir de consolider ici même, au cœur de l’Europe, des législations conformes aux droits humains et au principe d’autodétermination des femmes, particulièrement en ce qui touche à leur intégrité physique et à leurs droits sexuels et reproductifs ;
Considérant qu’il est important d’empêcher, après ce qui vient de se produire aux États-Unis, toute régression en matière des droits des femmes tel que consacré en Belgique ;
Considérant que dans le monde, toutes les 9 minutes, une femme meurt d’un avortement clandestin ;
Considérant que face à la montée des conservatismes de tous bords en Europe, au niveau international, et même dans notre pays le droit à l’IVG est un combat d’actualité qui nécessite le rassemblement de tous les progressistes et défenseurs des droits des femmes ;
Considérant qu’Ixelles a un lien particulier avec Roger Lallemand porteur de la loi dépénalisant l’avortement puisqu’il a siégé en tant que Conseiller communal ;
Le Conseil communal d’Ixelles,
Demande au Gouvernement et au Parlement fédéral,
– De réviser la Constitution afin de garantir le droit à l’avortement et d’empêcher la moindre régression à cet égard ;
– De protéger la vie, la santé et la liberté fondamentale des femmes de disposer de leur corps en mettant en place un rempart constitutionnel pour garantir le droit à l’interruption volontaire de grossesse ;
– De réunir une série d’experts et de spécialistes de la Constitution pour identifier comment ancrer au mieux cette liberté fondamentale ;
– D’accélérer les travaux parlementaires concernant l’évolution de la loi relative à l’IVG;
– De mener des réflexions afin que l’avortement soit abordé dans un contexte de santé publique, de contraception, d’éducation sexuelle, avec pour objectif de permettre une réalisation pleine et entière des droits des femmes ;
– De soutenir les initiatives européennes visant à inclure le droit à l’IVG dans la Charte Européenne des droits fondamentaux et soutenir les initiatives européennes visant à faire reconnaître le droit des femmes à disposer de leur corps comme un droit fondamental nécessaire à l’adhésion d’un pays à l’Union européenne, signal fort au vu de la posture et la réalité de certains systèmes de droit nationaux, notamment polonais et maltais ;
– De plaider pour que dans le cadre de la directive européenne en cours de rédaction ayant trait aux violences faites aux femmes « les Etats membres s’assurent que les faits suivants soient incriminés : le fait de nier le droit à l’IVG, à toute femme qui en fait la demande, avant la 14è semaine, ou dans les cas suivants : si la grossesse résulte d’un acte criminel, en cas de malformation du fœtus, ou en cas de danger pour la santé ou la vie de la femme enceinte. Les Etats membres doivent s’assurer que l’accès à l’IVG soit effectif sur l’ensemble des territoires sous leur juridiction » ;
– De soutenir toutes les mesures fédérales permettant de garantir l’effectivité de ce droit sur notre territoire (formation adéquate des médecins, levée des obstacles dans les hôpitaux, etc.) ;
– De poursuivre les actions de solidarité avec les femmes européennes (spécifiquement polonaises et ukrainiennes) ayant besoin d’une IVG initiées par le Ministre fédéral de la santé et la Secrétaire d’État à l’égalité des genres ;
– De poursuivre et renforcer la solidarité avec les femmes des pays du « Sud » par le soutien à la santé sexuelle et reproductive dans les politiques de coopération au développement, en visant un objectif de 15 % de l’Aide Publique au développement affecté aux politiques de santé ;
– Aux ministres de la santé, à tous les niveaux de pouvoir, d’organiser une campagne de sensibilisation sur la prise en charge de l’IVG en Belgique.
Demande à la Fédération Wallonie Bruxelles, à la COCOF et à la VGC,
– De mieux sensibiliser les jeunes à travers l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle généralisée et effective (EVRAS), au sein de tous les établissements scolaires par des acteurs spécifiques et externes, tels que les équipes des Centres de Planning familial sur le droit à l’IVG afin de permettre à chacun et à chacune de réaliser des choix éclairéset de développer des relations sociales et sexuelles respectueuses ;
– De promouvoir des dispositifs favorisant la formation des médecins pratiquant l’IVG, de sensibiliser les universités du pays à promouvoir cette formation pour les futurs acteurs de première ligne et d’approfondir l’information systématique de la population, notamment, des jeunes, sur le droit à la contraception et à l’IVG ;
Demande à la Région Bruxelles-Capitale de,
– Baliser, faciliter, renforcer l’accès à l’IVG dans les hôpitaux du territoire.