Le 28 mai, la RTBF nous apprenait que le Bourgmestre d’Ixelles, Christos Doulkeridis (Ecolo) avait décidé de déboulonner la statue du Général Storms, square de Meeûs.

Cette décolonisation de l’espace public pose plusieurs questions :

– Pourquoi cette urgence à enlever une statue dans le contexte actuel ?
– Pourquoi ne pas avoir ouvert un débat sur ce sujet ? Un débat public n’aurait-il pas permis de rappeler les faits commis par ce militaire ?
– Le conseil communal n’est-il pas le lieu pour parler du futur de notre commune et de l’espace public ?
– D’autres moyens n’existent-ils pas pour évoquer notre passé ?

Une contextualisation des monuments et des statues doit être envisagée mais débaptiser des rues et déboulonner des statues revient à occulter notre histoire et privent les générations futures de la connaissance mémorielle.

 

Notre chef de groupe, Geoffroy Kensier, a écrit une carte blanche à ce sujet qui a été publiée par La Libre, le 3 juin 2020.

Cacher les traces de la colonisation pour mieux l’oublier ?

Fin mai, un article de la RTBF, nous apprenait que la commune d’Ixelles a décidé de déboulonner la statue du Lieutenant général Storms édifiée au square de Meeûs depuis 1906. Au XIXe siècle, ce haut gradé a été chargé par le roi Léopold II de participer à la colonisation du Congo. Selon les autorités communales ixelloises, ce buste devrait être retiré avant le soixantième anniversaire de l’indépendance du Congo, soit le 30 juin. En moins d’un mois donc, sans aucun débat public, ni même dans l’enceinte du conseil communal, nous assistons à une décolonisation de l’espace public. Une première.

L’histoire de notre pays ne mérite-t-elle pas un grand débat pour apaiser notre société aux mémoires diverses ?

Le gouvernement bruxellois semble l’avoir compris puisque dans sa déclaration de politique régionale, il s’engage à entamer “une réflexion, en concertation avec le monde académique et les acteurs associatifs concernés, relative aux symboles dans l’espace public liés à la colonisation”. La région bruxelloise compte pas moins de 70 noms de rue ou monuments qui font référence à notre passé colonial.

Notre patrimoine architectural, la toponymie de nos rues et places sont le reflet indéniable d’une époque, d’une pensée, d’une forme de l’histoire. Cette construction du vécu sociétal, nous en apprend sur les valeurs qui guidaient nos ancêtres.

Nous ratons le débat sur notre passé

L’inscription de notre histoire dans l’espace collectif ne peut être annihilée simplement en débaptisant des rues et en déboulonnant des statues. En procédant de la sorte, nous ratons complètement le débat sur notre passé et les enseignements que nous pouvons en tirer. Toute société est le fruit de rencontres historiques; les conflits historiques sont fondateurs, agir sans débat revient à occulter notre histoire et à priver les générations futures de la connaissance mémorielle.

La transformation de l’African Museum, suite aux nombreuses recherches scientifiques tant en Europe qu’en Afrique, répond à cette réflexion du regard que nous portons sur notre passé colonial. L’enseignement et la contextualisation sont essentiels pour nous permettre de mieux connaître notre histoire mais également d’éviter les conflits de mémoire.

Nous trouverons toujours des traces de notre histoire dans l’espace public. La féminisation, en cours, des noms de rue est une réponse à notre société patriarcale. Des évolutions sont utiles et nécessaires. La présence dans l’espace public de nouvelles plaques ou places portant l’identité des oubliés de notre histoire commune, comme celles et ceux qui ont résisté à la colonisation, ancre notre société pleinement dans son époque.

La contextualisation in situ est essentielle

Qui ne s’est jamais arrêté devant une statue en se demandant qui elle représentait et pour quelles raisons ? La contextualisation in situ est essentielle pour nous donner les clés du passé et nous inscrire dans l’histoire. Une plaquette explicative apposée à côté d’un monument, d’une statue ou en dessous d’un nom de rue a une valeur pédagogique qu’il ne faut pas sous-estimer. Comment expliquer, former, penser sans monument, sans statue ? Débaptiser et déboulonner revient à cacher notre histoire, à oublier les faits et l’évolution de nos valeurs.

Panser les blessures de l’histoire ne peut se faire que collectivement. La réconciliation des mémoires est un enjeu primordial qui ne se passera que par un travail d’écoute et de respect, de rencontre et d’échange. Construisons ensemble notre histoire partagée. N’occultons pas notre histoire, enseignons-la !

Cacher les traces de la colonisation pour mieux l’oublier ? – La Libre – 03.06.2020

 

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