Monsieur le Bourgmestre,

Le 28 mai 2020, un article de la RTBF, nous apprenait que vous aviez décidé de déboulonner la statue du Lieutenant général Storms édifiée au square de Meeûs. Ce haut gradé a commis des exactions lors de campagnes entre 1882 et 1885, il a notamment ramené le crâne du chef Lusinga en Belgique. Selon vos dires, ce buste devrait être retiré avant le soixantième anniversaire de l’indépendance du Congo, soit le 30 juin.

En moins d’un mois donc, sans aucun débat public, pas même dans l’enceinte de notre conseil communal, nous assistons à une décolonisation de fait de l’espace public. Une première, le fait du Prince!

L’histoire de notre pays mérite un grand débat pour apaiser notre société aux mémoires diverses. Votre action est contraire à ce besoin de dialogue collectif indispensable pour construire une histoire commune. L’inscription de notre histoire dans l’espace public ne peut être annihilée simplement en déboulonnant des statues. En procédant de la sorte, vous ratez complètement le débat sur notre passé et les enseignements que nous devons en tirer.

– Quelles sont les raisons qui justifient cette urgence d’agir maintenant alors que nous sommes dans un contexte sanitaire et économique sans précédent? Soyons précis l’article qui nous annonce ce déboulonnage date du 28 mai, soit bien avant que l’onde de choc suite à la mort de George Floyd n’arrive chez nous et que le débat sur la colonisation soit relancé.
– Pouvez-vous nous informer de l’ensemble des démarches que vous avez entreprises pour retirer cette statue? La Commission royale des Monuments et des Sites a-t-elle était saisie? Si oui, pouvons-nous connaître la date et le contenu de cette demande ainsi que la réponse que vous avez reçue?
– Existe-il un accord écrit avec l’Africa Museum pour une mise en dépôt de la statue? La statue sera-t-elle exposée ou sera-t-elle rangée dans une cave?
– Pourquoi faites-vous référence à la date du 30 juin pour retirer la statue?
– Pourquoi ne pas avoir ouvert un large débat? Un débat public n’aurait-il pas permis de rappeler les faits commis par ce militaire? Le conseil communal n’est-il pas le lieu pour parler du futur de notre commune et de l’espace public?
– Pensez-vous que l’action en solo d’un bourgmestre ou d’une commune soit le moyen le plus pertinent pour réconcilier les mémoires?

Nous imaginons que ce déboulonnage est l’une des actions de la stratégie globale que vous avez mise en place pour décoloniser l’espace public et les esprits.
– Pouvez-vous nous communiquer cette stratégie, les actions entreprises depuis le début de votre mandat et celles que vous allez encore prendre dans ce domaine?

Une contextualisation des monuments et des statues doit être envisagée mais débaptiser des rues et déboulonner des statues revient à occulter notre histoire et privent les générations futures de la connaissance mémorielle.
– Avez-vous envisagé de rééquilibrer l’espace public en érigeant des statues d’hommes et de femmes qui ont combattu la colonisation? En donnant à des nouvelles rues, bâtiments ou salles publiques le nom d’acteurs et actrices oubliés de notre histoire?
– Pouvez-vous nous communiquer les noms et les adresses des statues ou édifices ainsi que la liste des noms de voiries qui font référence au passé colonial sur le territoire ixellois?

Comme dit Michel Draguet, conservateur en chef des Musées royaux des Beaux- Arts de Belgique, dans une carte blanche qui n’épargne pas votre décision :

Déboulonner n’est pas  réécrire l’histoire. C’est un geste politique inscrit dans le présent. Il vise à donner satisfaction à des groupes de pression. À l’usage, on se rend compte que l’opération ne relève pas de l’exercice démocratique, mais d’un coup de force fondé sur l’adéquation de l’opinion publique et d’un momentum politique de plus en plus tributaire du vent qui souffle depuis les réseaux sociaux“.

Prenons un peu de hauteur Monsieur le Bourgmestre et inscrivons notre commune dans le large débat national démocratique qui va s’ouvrir sur notre histoire coloniale.

Geoffroy Kensier, conseiller communal

Réponse du Collège à nos questions

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